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L’AIGUILLE CREUSE
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Lupin se leva, et coupant l’air d’un geste de sa main :

— Il ne paraîtra pas, s’écria-t-il.

— Il paraîtra, fit Beautrelet qui se leva d’un coup.

Enfin les deux hommes étaient dressés l’un contre l’autre. J’eus l’impression d’un choc, comme s’ils s’étaient empoignés à bras-le-corps. Une énergie subite enflammait Beautrelet. On eût dit qu’une étincelle avait allumé en lui des sentiments nouveaux, l’audace, l’amour-propre, la volupté de la lutte, l’ivresse du péril.

Quant à Lupin je sentais au rayonnement de son regard sa joie de duelliste qui rencontre enfin l’épée du rival détesté.

— L’article est donné ?

— Pas encore.

— Vous l’avez là… sur vous ?

— Pas si bête ! Je ne l’aurais déjà plus.

— Alors ?

— C’est un des rédacteurs qui l’a, sous double enveloppe. Si à minuit je ne suis pas au journal, il le fait composer.

— Ah ! le gredin, murmura Lupin, il a tout prévu.

Sa colère fermentait, visible, terrifiante.

Beautrelet ricana, moqueur à son tour, et grisé par son triomphe.