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L’AIGUILLE CREUSE

et, aujourd’hui encore, votre pâleur m’est un remords cuisant. Vous ne m’en voulez plus ?

— La preuve de confiance, répondit Beautrelet, que vous me donnez en vous livrant à moi sans condition, — il m’eût été si facile d’amener quelques amis de Ganimard ! — cette preuve de confiance efface tout.

Parlait-il sérieusement ? J’avoue que j’étais fort dérouté. La lutte entre ces deux hommes commençait d’une façon à laquelle je ne comprenais rien. Moi qui avais assisté à la première rencontre de Lupin et de Sholmès[1], dans le café de la gare du Nord, je ne pouvais m’empêcher de me rappeler l’allure hautaine des deux combattants, le choc effrayant de leur orgueil sous la politesse de leurs manières, les rudes coups qu’ils se portaient, leurs feintes, leur arrogance.

Ici, rien de pareil, Lupin, lui, n’avait pas changé. Même tactique et même affabilité narquoise. Mais à quel étrange adversaire il se heurtait ! Était-ce même un adversaire ? Vraiment il n’en avait ni le ton ni l’apparence. Très calme, mais d’un calme réel, qui ne masquait pas l’emportement d’un homme qui se contient, très poli mais sans exagération,

  1. Arsène Lupin contre Herlock Sholmès.