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LA LETTRE D’AMOUR DU ROI GEORGES

francs. J’en ai offert mille. Le bon M. Vaucherel se mit à trembler et demanda dix mille francs. J’acceptai. Il perdit la tête. Moi aussi. C’était, vous savez, comme aux enchères publiques. Vingt mille… Trente mille… À la fin, il exigeait cinquante mille, et il criait comme un fou, les yeux tout rouges :

« — Cinquante mille !… Pas un sou de moins ! De quoi acheter tous les livres que je voudrai !… les plus beaux !… Cinquante mille francs !

« Il voulait tout de suite un acompte, un chèque. Je lui promis de revenir. Il jeta le livre dans le tiroir de cette table, ferma à clef, et me laissa partir. »

Élisabeth Lovendale compléta son histoire par une suite de détails inutiles que l’on n’écouta point. Depuis un moment, quelque chose retenait davantage l’attention de Jim Barnett et de l’inspecteur Béchoux, c’était le visage crispé de M. Formerie. À n’en point douter, une émotion violente l’avait envahi, et il souffrait d’une sorte de joie excessive qui le bouleversait. À la fin, il chuchota, la voix sourde et l’expression emphatique :

« Somme toute, mademoiselle, vous réclamez le tome XIV des œuvres de Richardson ?

— Oui, monsieur.

— Le voici, dit-il en tirant de sa poche avec un geste théâtral un petit livre relié en veau.

— Est-ce possible ! s’écria l’Anglaise enthousiasmée.

— Le voici, répéta-t-il. La lettre d’amour du roi George ne s’y trouve pas. Je l’y aurais vue. Mais je saurai bien la découvrir puisque j’ai su découvrir le volume que l’on cherche depuis cent ans, et puisque le voleur de l’un est fatalement le voleur de l’autre. »