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L’AGENCE BARNETT ET Cie

et en un tournemain. Les vêtements, les poches, les doublures, les semelles, les talons creux où l’on cache un document, autant de trucs usés. Il fallait… il fallait ce que j’ai deviné, Béchoux. L’impossible et le banal… le fabuleux et le réalisable… la cachette inconcevable, et cependant toute naturelle, et répondant à la profession de cet homme plutôt qu’au métier de cet autre. Or, qu’est ce qui caractérise un gardien de la paix dans l’exercice de sa profession ? Qu’est-ce qui le distingue d’un gendarme, d’un douanier, d’un chef de gare ou d’un vulgaire inspecteur de police ? Réfléchis, compare, Béchoux… Je te donne trois secondes, pas davantage, tellement c’est clair. Une… deux… trois… Eh bien, tu as trouvé ? Tu y es ? »

Béchoux n’y était nullement. Malgré le ridicule de la situation, il s’efforçait de réunir ses idées et d’évoquer un gardien de la paix en fonction.

« Allons, mon pauvre vieux, tu n’es pas en forme aujourd’hui, dit Barnett. Toi, toujours si perspicace !… Faut donc que je te mette les points sur les i ? »

C’est sur son nez que Barnett mit quelque chose. S’étant élancé hors de la pièce, il revint, tenant en équilibre sur ledit nez un bâton d’agent, le bâton blanc avec lequel les policemen de Paris, comme ceux de Londres, et comme ceux du monde entier, dominent, ordonnent, gouvernent les foules, commandent aux piétons, endiguent le flot des voitures, les délivrent, les canalisent, bref sont rois de la rue et maîtres de l’heure. Avec celui-là, Barnett jongla comme avec une bouteille, le fit passer sous sa jambe, derrière son dos, autour de son cou. Puis s’asseyant, et le tenant entre le pouce et l’index, il l’interpella :

« Petit bâton blanc, symbole de l’autorité, toi que j’ai