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BÉCHOUX ARRÊTE JIM BARNETT

entendit la porte du vestibule se refermer. À ce moment, Béchoux, rencontrant les yeux du général Desroques, crut voir que ces yeux avaient une expression goguenarde. Joie saugrenue que rien ne justifiait. Cependant…

Quelques secondes s’écoulèrent et, soudain, il se produisit un phénomène ahurissant, que Béchoux contempla d’un œil stupide, tandis que décidément le général souriait. Au seuil de la pièce, dont la porte était restée ouverte, avançait une forme étrange, des bras qui marchaient de chaque côté d’une tête, située en bas, un torse rond comme une boule, et deux jambes minces qui gigotaient vers le plafond.

La forme se redressa brusquement et pivota comme une toupie, sur la pointe d’un pied contre lequel l’autre s’appuyait. C’était le domestique Sylvestre, pris de folie brusque, et qui tournoyait à la façon d’un derviche, son gros ventre secoué d’un rire qui s’exhalait par une bouche ouverte en large entonnoir.

Mais était-ce bien Sylvestre ? Béchoux, devant cette extravagante vision, commençait à sentir son crâne qui perlait de sueur. Était-ce bien Sylvestre, le valet de chambre bedonnant, à tournure de notaire provincial ?

Il s’arrêta net, planta sur Béchoux ses yeux écarquillés et ronds, défit comme un masque le rictus qui tordait son visage, déboutonna sa redingote et son gilet, dégrafa son ventre de caoutchouc, passa un veston que lui tendit le général Desroques et, regardant de nouveau Béchoux, exprima ce jugement sévère :

« Béchoux est une poire. »

Béchoux ne s’indigna pas. Par son attitude pitoyable,