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L’AGENCE BARNETT ET Cie

banquier Assermann, elle tirait vanité de son luxe, de ses relations, de son hôtel, et en général de tout ce qui la concernait. La chronique mondaine lui reprochait certaines aventures un peu scandaleuses. On affirmait même que son mari avait voulu divorcer.

Elle passa d’abord chez le baron Assermann, homme âgé, mal portant, que des crises cardiaques retenaient au lit depuis des semaines. Elle lui demanda de ses nouvelles, et, distraitement, lui ajusta ses oreillers derrière le dos. Il murmura : « Est-ce qu’on n’a pas sonné ?

— Oui, dit-elle. C’est ce détective qui m’a été recommandé pour notre affaire. Quelqu’un de tout à fait remarquable, paraît-il.

— Tant mieux, dit le banquier. Cette histoire me tracasse, et j’ai beau réfléchir, je n’y comprends rien. »

Valérie, qui avait l’air soucieux également, sortit de la chambre et gagna son boudoir. Elle y trouva un individu bizarre, bien pris comme taille, carré d’épaules, solide d’aspect, mais vêtu d’une redingote noire, ou plutôt verdâtre, dont l’étoffe luisait comme la soie d’un parapluie. La figure, énergique et rudement sculptée, était jeune, mais abîmée par une peau âpre, rugueuse, rouge, une peau de brique. Les yeux froids et moqueurs, derrière un monocle qu’il mettait indifféremment à droite ou à gauche, s’animaient d’une gaieté juvénile.

« M. Barnett ? » dit-elle.

Il se pencha sur elle, et, avant qu’elle n’eût le loisir de retirer sa main, il la lui baisa, avec un geste arrondi que suivit un imperceptible claquement de langue, comme s’il appréciait la saveur parfumée de cette main.

« Jim Barnett, pour vous servir, madame la baronne.