que lui offrait des buissons de ronces, elle atteignit, à gauche, la petite cahute dont lui avaient parlé les sœurs Archignat, sorte de kiosque à toit pointu et à carreaux de couleur. La moitié de ce kiosque était occupée par des bidons d’essence.
De là, elle commandait le pont sur lequel personne ne pouvait s’engager sans être vu par elle. Mais personne ne descendit du bois.
La nuit vint, une nuit de brouillard épais que la lune argentait, et qui permettait tout juste à Véronique de distinguer le côté opposé.
Au bout d’une heure, un peu rassurée, elle fit un premier voyage avec deux bidons qu’elle versa sur les poutres extérieures du pont.
Dix fois, l’oreille aux aguets, son fusil en bandoulière, et toute prête à se défendre, elle recommença le trajet. Elle répandait l’essence un peu au hasard, tâtonnant, choisissant néanmoins autant que possible les places où il lui semblait, au toucher, que le bois était le plus pourri.
Elle avait une boîte d’allumettes, la seule qu’elle eût trouvée dans la maison. Elle sortit l’une de ces allumettes, hésita un moment, craintive à l’idée de la grande clarté qui allait se produire.
— Si encore, pensait-elle, cela pouvait être vu des côtes… mais avec ce brouillard…
Brusquement elle frotta et, aussitôt, alluma une torche de papier qu’elle avait préparée et enduite d’essence.
Une grande flamme jaillit qui lui brûla les doigts. Alors elle jeta le papier sur une flaque d’essence qui s’était formée dans un creux et s’enfuit vers le kiosque.
L’incendie fut immédiat, et se propagea d’un coup sur toute la partie qu’elle avait arrosée. Les falaises des deux îles, le lien de granit qui les réunissait, les grands arbres environnants, la colline, le bois du Grand-Chêne, la mer au fond du gouffre, tout cela fut illuminé.
« Ils savent où je suis… Ils regardent le kiosque où je me cache… » songeait Véronique dont les yeux ne quittaient pas le Grand-Chêne.