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elles interrogeaient l’espace avec des yeux inquiets.

Il y eut une dépression. On remonta. Le sentier s’amorça sur celui que Véronique avait pris le premier jour avec Honorine, et elles entrèrent dans le bois qui précède le pont.

Au bout d’un instant, l’émotion croissante des sœurs Archignat fit comprendre à Véronique que l’on approchait du Grand-Chêne, et elle l’aperçut en effet, plus gros que les autres, élevé sur un piédestal de terre et de racines, et séparé d’eux par des intervalles plus grands. Il lui fut impossible de ne pas penser que plusieurs hommes pouvaient se dissimuler derrière ce tronc massif, et qu’il s’en dissimulait peut-être.

Malgré leur effort les sœurs avaient accéléré l’allure, et elles ne regardèrent pas l’arbre fatal.

On s’en éloigna. Véronique respira plus librement. Tout danger était passé, et elle allait railler les sœurs Archignat, lorsque l’une d’elles, Clémence, tournoya sur elle-même et s’abattit avec un gémissement.

En même temps quelque chose tomba à terre, quelque chose qui l’avait frappée dans le dos. C’était une hache, une hache de pierre.

« Ah ! la pierre de foudre ! la pierre de foudre !  » cria Gertrude.

Une seconde, elle leva la tête, comme si, selon des croyances populaires encore vivaces, elle avait pensé que la hache venait du ciel et fût une émanation du tonnerre.

Mais, à ce moment, la folle, qui était sortie de sa brouette, bondit sur place et retomba la tête en avant. Une autre chose avait sifflé dans l’espace. La folle se tordit de douleur. Gertrude et Véronique virent une flèche qui était fichée dans son épaule et qui vibrait encore.

Alors Gertrude s’enfuit en hurlant.

Véronique hésita. Clémence et la folle se roulaient à terre. La folle ricanait :

« Derrière le chêne ! Ils se cachent… je les vois.

Clémence bégayait :

« Au secours ! aidez-moi,.. emportez-moi… j’ai peur. »