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ment et dont les éclosions se succèdent de mois en mois, poussaient et fleurissaient à la fois ! C’est au même jour que ces fleurs, toutes fleurs vivaces dont l’effervescence ne se prolonge guère au delà de deux ou trois semaines, s’épanouissaient et se multipliaient, lourdes, éclatantes, somptueuses, fièrement portées par leurs tiges puissantes.

C’étaient des éphémères de Virginie, c’étaient des renoncules, des hémérocalles, des ancolies, des potentilles rouges comme du sang, des iris d’un violet plus lumineux qu’une robe d’évêque ! On y voyait le pied-d’alouette, le phlox, le fuchsia, l’aconit, le montbretia.

Et, par-dessus tout cela — oh ! de quel trouble fut envahie la jeune femme ! — par-dessus la corbeille étincelante, plus élevées sur une étroite plate-bande qui entourait le piédestal du Christ, toutes leurs grappes bleues, blanches, violettes, semblant se hausser pour atteindre le corps même du Sauveur, des véroniques

Elle défaillit d’émotion. En s’approchant, elle avait lu sur une petite pancarte accrochée au piédestal ces simples mots : La fleur de maman.


Véronique ne croyait pas au miracle. Que les fleurs fussent prodigieuses, sans aucun rapport avec les fleurs de nos pays, cela elle devait bien l’admettre. Mais elle se refusait à croire que cette anomalie ne pût s’expliquer que par des raisons surnaturelles ou par les formules des recettes magiques dont Maguennoc avait le secret. Non, il y avait là quelque cause, fort simple peut-être, sur laquelle les événements apporteraient toute clarté.

Cependant, au milieu du beau décor païen, au cœur même du miracle qu’il semblait avoir suscité par sa présence, le Christ surgissait de la touffe de fleurs, qui lui faisaient l’offrande de leurs couleurs et de leurs parfums. Véronique s’agenouilla…

Le lendemain et le surlendemain, elle revint au Calvaire-Fleuri. Cette fois, le mystère qui l’environnait de toutes parts se manifestait de la façon la plus charmante, et son fils y jouait un rôle qui permettait de rêver