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Véronique s’éloigna en vacillant. Le mystère était devant elle encore, comme partout dans l’île, et elle était résolue à le fuir jusqu’au moment où elle pourrait s’en aller de Sarek.

Un sentier partait de la clairière et passait près du dernier chêne à droite, chêne sans doute anéanti par la foudre et dont il ne restait que le tronc et quelques branches mortes.

Plus loin elle descendit quelques marches de pierres, traversa une petite prairie où quatre rangs de menhirs étaient alignés, et s’arrêta brusquement avec un cri étouffé, cri d’admiration et de stupeur devant un spectacle qui s’offrait à elle.

« Les fleurs de Maguennoc, » murmura-t-elle.

Les deux derniers menhirs de l’allée centrale qu’elle suivait, se dressaient comme les poteaux d’une porte ouverte sur la plus magnifique des visions, une esplanade rectangulaire, longue de cinquante mètres tout au plus, à laquelle on descendait par quelques marches, et que bordaient, ainsi que les colonnes d’un temple, deux rangs de menhirs d’une même hauteur, plantés à intervalles strictement égaux. La nef et les bas côtés de ce temple étaient pavés de larges dalles de granit, irrégulières, cassées, et que l’herbe, qui poussait dans les fentes, dessinait comme le plomb qui encadre les fragments d’un vitrail.

Au milieu, un carré de dimensions restreintes, et, dans ce carré, se pressaient, autour d’un vieux Christ en pierre qui émergeait du centre, des fleurs. Mais quelles fleurs ! Des fleurs inimaginables, fantastiques, des fleurs de rêve, des fleurs de miracle, des fleurs hors de proportion avec les fleurs habituelles.

Véronique les reconnaissait toutes, et cependant elle demeurait interdite en face de leur grandeur et de leur splendeur. Il y en avait de beaucoup de sortes, mais peu de chaque sorte. On eût dit un bouquet, composé de façon à réunir toutes les couleurs, tous les parfums et toutes les beautés.

Et, ce qu’il y avait de plus étrange, c’est que ces fleurs qui, à l’ordinaire, ne fleurissent pas simultané-