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La voix ne portait pas, trop faible, et contrariée par le vent. Mais la Bretonne continuait :

« François !… Stéphane !… »

Et ensuite elle courut à travers sa chambre, puis dans les couloirs, à la recherche de quelque chose, et elle revint vers la fenêtre, toujours en proférant :

« François ! François !… Écoute… »

Elle avait fini par trouver le coquillage qui lui servait de signal. Mais, l’ayant porté à sa bouche, elle ne put en tirer que des sons indistincts et sourds.

« Ah ! malédiction ! balbutia-t-elle en rejetant la conque. Je n’ai plus de force… François !… François !… »

Elle était effrayante à voir, les cheveux en désordre, la sueur de la fièvre sur son visage. Véronique la supplia :

« Honorine, je vous en prie.

— Mais regardez-les ! regardez-les ! »

Là-bas, le canot allait de l’avant, les deux tireurs à leur poste, et l’arme prête pour le crime.

Les survivants s’enfuyaient, deux d’entre eux restaient en arrière.

Ces deux-là furent visés. Leurs têtes disparurent.

« Mais regardez-les, scandait la Bretonne d’un ton rauque… C’est la chasse !… On abat le gibier… Ah ! les pauvres gens de Sarek !… »

Un coup de fusil encore. Un point noir sombra.

Véronique se tordait de désespoir. Elle secouait les barreaux du balcon, comme les barreaux d’une cage qui l’eût emprisonnée.

« Vorski !… Vorski !… gémissait-elle, assaillie par le souvenir de son mari… C’est le fils de Vorski… » Brusquement elle fut prise à la gorge, et elle aperçut, contre son visage, le visage méconnaissable de la Bretonne.

« C’est ton fils à toi, bredouillait Honorine… sois maudite… tu es la mère du monstre, et tu seras punie… »

Et elle éclata de rire, en trépignant des pieds, dans un accès d’hilarité qui la convulsait.

« La croix ! oui, la croix… tu monteras sur la croix… Des clous aux mains !… Quel châtiment … Des clous aux mains !  »