« Non, non, ne t’en va pas, Corréjou… Attends-moi, tu vas me porter dans ta barque. »
Elle écouta, et comme le matelot ne revenait pas, elle voulut se lever.
« J’ai peur… Je ne veux pas rester seule… »
Véronique la retint.
« Mais vous ne restez pas seule, Honorine. Je ne vous quitte pas. »
Il y eut entre les deux femmes une véritable lutte, et Honorine, rejetée de force sur son lit, impuissante, gémissait :
« J’ai peur… j’ai peur… L’île est maudite… C’est tenter le bon Dieu que d’y rester… La mort de Maguennoc, c’est l’avertissement… J’ai peur !… »
Elle délirait, mais gardait toujours cette demi-lucidité qui lui permettait de mêler certaines paroles claires et raisonnables aux paroles incohérentes où se montrait son âme superstitieuse de Bretonne.
Elle agrippa Véronique par les deux épaules et articula :
« Je vous le dis… L’île est maudite… Un jour Maguennoc me l’a avoué : « Sarek, c’est une des portes de l’enfer : la porte est close maintenant. Mais le jour où elle s’ouvrira, tous les malheurs passeront comme une tempête. »
Sur les instances de Véronique, elle se calma un peu, et c’est d’une voix plus douce, qui allait en s’éteignant, qu’elle continua :
« Il aimait bien l’île, cependant… comme nous tous. Il en parlait alors d’une façon que je ne comprenais pas : « La porte est double, Honorine, et elle ouvre également sur le Paradis. » Oui, oui, l’île était bonne à habiter… Nous l’aimions… Maguennoc y faisait pousser des fleurs… Oh ! ces fleurs… elles sont énormes… trois fois plus hautes… et plus belles… »
Des minutes lourdes s’écoulèrent. La chambre occupait à l’extrémité de la maison une aile qui formaient saillie et dont les fenêtres avaient vue à droite et gauche de l’île, par-dessus les rochers qui dominaient la mer.
Véronique s’assit, les yeux fixés sur les vagues blan-