se donner du cœur, avait bu un peu trop et parlait à tort et à travers.
« Maguennoc est mort ! crièrent-elles, Maguennoc est mort, et vous ne disiez rien ! Nous partons ! Vite, notre argent ! »
Une fois réglées, elles s’enfuirent à toutes jambes, et, une heure après, d’autres femmes, averties par elles, accoururent et voulurent entraîner ceux de leurs hommes qui travaillaient. Toutes proféraient les mêmes paroles.
« Il faut s’en aller ! Il faut tout préparer… Après, il sera trop tard… Les deux barques peuvent emmener tout le monde. »
Honorine dut s’entremettre avec toute son autorité et Véronique distribuer de l’argent. Et l’enterrement se fit en hâte. Il y avait, non loin de là, une vieille chapelle, consolidée par les soins de M. d’Hergemont, et où tous les mois un prêtre de Pont-l’Abbé venait dire la messe. À côté, l’ancien cimetière des abbés de Sarek. Les deux corps y furent ensevelis, et un vieillard, qui en temps ordinaire faisait fonction de sacristain, bredouilla les paroles de bénédiction.
Tous ces gens semblaient atteints de démence. Leurs voix, leurs gestes étaient saccadés. L’idée fixe du départ les obsédait, et ils ne s’occupèrent point de Véronique, qui priait et pleurait à l’écart.
Avant huit heures, tout était fini. Hommes et femmes dévalaient à travers l’île. Véronique, qui avait l’impression de vivre dans un monde de cauchemars où les événements se succédaient en dehors de toute logique et sans aucun lien les uns avec les autres, Véronique retourna près d’Honorine, que son état de faiblesse avait empêchée d’assister à l’enterrement de son maître.
« Je me sens mieux, dit la Bretonne. Nous partirons aujourd’hui ou demain, et nous partirons avec François. »
Et, comme Véronique s’indignait, elle répéta :
« Avec François, je vous le dis, et avec M. Stéphane. Et le plus tôt possible. Moi aussi je veux partir… et vous emmener, ainsi que François… Il y a la mort dans l’île… ! la mort est maîtresse ici… il faut lui laisser Sarek… Nous partirons tous. »