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Et comme le matelot s’arrêtait, indécis, elle continua :

« Nous sommes d’accord. Il faut partir. On partira demain à la fin de la journée. Mais, auparavant, on doit s’occuper de M. Antoine et de Marie Le Goff. Voici, tu vas nous envoyer les sœurs Archignat pour la veillée des morts. Ce sont d’assez méchantes femmes, mais elles ont l’habitude. Sur les trois, il faut que deux viennent. Ce sera, pour chacune, le double de leur prix ordinaire.

— Et après, m’ame Honorine ?

— Tu t’occuperas de cercueils avec tous les vieux, et dès le petit matin on mettra les corps en terre bénite, dans le cimetière de la chapelle.

— Et après, m’ame Honorine ?

— Après, tu seras libre, les autres aussi. Vous pourrez faire vos paquets et filer.

— Mais vous, m’ame Honorine ?

— Moi, j’ai le canot. Assez bavardé. Nous sommes d’accord ?

— Nous sommes d’accord. C’est une nuit simplement à passer. Mais je suppose bien que d’ici demain il n’y aura pas de nouveau ?…

— Mais non… mais non… Va, Corréjou… Dépêche-toi. Et surtout ne dis pas aux autres que Maguennoc est mort. Sans quoi on ne pourrait plus les tenir.

— Promis, m’ame Honorine. »

Le matelot partit en hâte.

Une heure plus tard survenaient deux des sœurs Archignat, vieilles créatures, osseuses et desséchées, qui avaient l’air de sorcières, et dont la coiffe aux ailes de velours noir était sale et crasseuse. Honorine fut transportée dans la chambre qu’elle occupait à l’extrémité de l’aile gauche et sur le même étage.

La veillée des morts commença.


Cette nuit, Véronique la passa d’abord auprès de son père, puis au chevet d’Honorine dont l’état semblait moins bon. Elle finit par s’assoupir, et fut réveillée par la Bretonne, qui lui dit dans un de ces accès de fièvre où la conscience ne perd pas toute lucidité :