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Honorine attendait au premier étage, debout devant la porte ouverte.

« Ah ! c’est toi, Corréjou ?… Écoute-moi bien… et pas d’histoires, n’est-ce pas ?

— Qu’y a-t-il, m’ame Honorine ? mais vous êtes blessée ? qu’y a-t-il ? »

Elle découvrit l’embrasure de la porte et prononça simplement, montrant sous leurs suaires les deux cadavres :

« Monsieur Antoine et Marie Le Goff… assassinés tous deux…

La figure de l’homme se décomposa. Il balbutia :

— Assassinés… est-ce possible ?… Par qui ?

— Je ne sais pas, nous sommes arrivées après.

— Mais… le petit François ?… Monsieur Stéphane ?…

— Disparus… on a dû les tuer aussi.

— Mais… mais… Maguennoc ?

— Maguennoc ?… pourquoi parles-tu de lui, Corréjou ?

— J’en parle… j’en parle… parce que si Maguennoc est vivant… tout ça… c’est une autre affaire. Maguennoc a toujours dit que ce serait lui le premier. Et Maguennoc ne dit que des choses dont il est certain. Maguennoc connaît le fond même des choses. »

Honore réfléchit, puis déclara :

« Maguennoc a été tué. »

Cette fois Corréjou perdit tout sang-froid, et son visage exprima cette sorte de terreur folle que Véronique avait, à diverses reprises, notée chez Honorine. Il se signa et dit à voix très basse :

« Alors… alors… voilà que ça arrive, m’ame Honorine ?… Maguennoc l’avait annoncé… Encore l’autre jour, dans ma barque, il nous l’a dit : « Ça ne va pas tarder… Tout le monde devrait partir. »

Et, brusquement, le matelot fit demi-tour et se sauva vers l’escalier.

« Reste là, Corréjou, commanda Honorine.

— Il faut partir, Maguennoc l’a dit. Tout le monde doit partir.

— Reste là, » répéta Honorine.