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et elle ne voulait pas qu’une seconde fût perdue à partir de la seconde même où François pouvait lui apparaître.

Elles atteignirent la roche. Un des avirons d’Honorine frôla la paroi. Elles la longèrent, arrivèrent à l’extrémité.

« Ah ! fit Véronique douloureusement, il n’est pas là.

— François n’est pas là ! Impossible ! » s’écria Honorine.

Mais à son tour, elle vit, trois ou quatre cents mètres en avant, les quelques grosses pierres qui servaient de jetée au-dessus de la grève. Trois femmes, une fillette, et de vieux marins attendaient le canot. Aucun garçon. Pas de béret rouge.

« C’est étrange, fit Honorine à voix basse. Pour la première fois, il manque à mon appel.

— Peut-être est-il malade ? insinua Véronique.

— Non, François n’est jamais malade.

— Alors ?

— Alors, je ne sais pas.

— Mais vous ne craignez rien ? demanda Véronique, qui s’affolait déjà.

— Pour lui, non… mais pour votre père. Maguennoc m’avait bien dit de ne pas le quitter. C’est lui qui est menacé.

— Mais François est là pour le défendre, ainsi que M. Maroux, son professeur. Voyons, répondez… que supposez-vous ? »

Après un silence, Honorine haussa les épaules.

« Un tas de bêtises ! Je me fais des idées absurdes, oui, absurdes. Ne m’en veuillez pas. Malgré tout, c’est la Bretonne qui reparaît en moi. Sauf quelques années, j’ai vécu toute ma vie dans cette atmosphère de légendes et d’histoires… N’en parlons plus. »

L’île de Sarek se présente sous la forme d’un long plateau assez mouvementé, couvert de vieux arbres, et supporté par des falaises de hauteur moyenne et qui sont les plus déchiquetées que l’on puisse voir. C’est autour de l’île comme une couronne de dentelle inégale et diverse, à laquelle ne cessent de travailler la pluie, le vent, le