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— C’est étrange, murmura la Bretonne, et bien inquiétant.

— Pourquoi ?… Quelqu’un qui m’aura connue… et qui s’est amusé… Il n’y a là qu’une coïncidence, une fantaisie du hasard qui ressuscite des choses du passé.

— Oh ! ce n’est pas le passé qui me tracasse. C’est l’avenir.

— L’avenir ?

— Souvenez-vous de la prédiction…

— Je ne comprends pas.

— Oui, oui, cette prédiction faite à Vorski à votre propos…

— Ah ! vous savez ?

— Je sais. Et c’est tellement atroce de songer à ce dessin et d’autres choses que vous ignorez, et qui sont beaucoup plus épouvantables. »

Véronique éclata de rire.

«  Comment ! et c’est pourquoi vous hésitez à m’emmener ?… car enfin c’est de cela qu’il s’agit ?

— Ne riez pas. On ne rit pas quand on voit les flammes mêmes de l’enfer. »

La Bretonne prononça ces paroles en fermant les yeux et en se signant. Puis elle reprit :

« Évidemment… Vous vous moquez de moi… Vous pensez que je suis une femme de ce pays, superstitieuse, qui croit aux revenants et aux feux follets. Je ne dis pas tout à fait non. Mais là… là… il y a des vérités qui vous aveuglent !… Vous en parlerez avec Maguennoc, si vous gagnez ma confiance.

— Maguennoc ?

— L’un des quatre matelots. C’est un vieil ami de votre fils. Lui aussi l’a élevé. Maguennoc en sait plus que tous les savants, plus que votre père. Et cependant…

— Et cependant…

— Cependant Maguennoc a voulu tenter le destin et pénétrer au delà de ce qu’on a le droit de connaître.

— Qu’a-t-il fait ?

— Il a voulu toucher, de la main, vous entendez, de sa propre main (c’est lui-même qui me l’a avoué), au fond même des ténèbres.