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pur ? Cela ne peut pas être un éclat de la Pierre-Dieu, puisque encore une fois, si riche que soit un minerai, le Radium ne lui est pas incorporé par grains isolés, mais sous forme soluble, et qu’on doit le dissoudre et le rassembler ensuite, par une série d’opérations, en un produit suffisamment riche pour être soumis à la cristallisation fractionnée. Tout cela, et bien d’autres opérations subséquentes, exige un matériel énorme, des usines, des laboratoires, des savants, bref, un état de civilisation qui diffère quelque peu, avouez-le, de l’état de barbarie où nos ancêtres les Celtes étaient plongés… »

Don Luis sourit et frappa l’épaule du jeune homme.

« Très bien, Stéphane, je suis heureux de voir que le maître et l’ami de François est un esprit clairvoyant et logique. L’objection est absolument juste, et tout de suite elle s’est imposée à moi. Je pourrais y répondre à l’aide de quelque hypothèse parfaitement légitime, supposer un moyen naturel d’isoler le Radium, imaginer que dans une faille granitique, au fond d’une grande poche contenant du minerai radifère, il s’est ouvert une fissure par où les eaux du fleuve s’écoulent avec lenteur et entraînent des portions infimes de Radium ; que ces eaux ainsi chargées circulent longuement dans un étroit couloir, se réunissent, se concentrent, et, après des siècles et des siècles, filtrant par petites gouttelettes aussitôt évaporées, forment au point d’émergence une menue stalactite très riche en radium, dont un jour quelque guerrier celte a cassé l’extrémité… Mais est-il besoin de chercher si loin, et de recourir à l’hypothèse ? Ne peut-on s’en rapporter au seul génie et aux ressources inépuisables de la nature ? Est-ce pour elle un effort plus prodigieux d’émettre par ses propres moyens un grain de Radium pur que de faire mûrir une cerise, ou éclore cette rose… ou de donner la vie au délicieux Tout-Va-Bien ? Qu’en dis-tu mon petit François ? Sommes-nous d’accord ?

— Nous sommes toujours d’accord, répondit l’enfant.

— Et ainsi tu ne regrettes pas trop le miracle de la Pierre-Dieu ?

— Mais il existe toujours, le miracle !

— Tu as raison, François, il existe toujours, et cent