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moi la vérité… c’est horrible d’espérer plus qu’on ne doit… je vous en supplie… »

Honorine lui entoura le cou de son bras.

« Mais, ma pauvre dame, est-ce que je vous aurais raconté tout cela s’il était mort, mon joli François ?

— Il vit ? il vit ? s’exclama la jeune femme éperdue.

— Mais parbleu ! et ce qu’il est bien portant ! Ah ! c’est un petit gars solide, allez, et d’aplomb sur ses jambes ! et j’ai bien le droit d’en être fière puisque c’est moi qui l’ai élevé, votre François. »

Elle sentit que Véronique s’abandonnait contre elle, sous le poids de sentiments trop lourds, où il y avait certes autant de souffrance que de joie, et elle lui dit :

« Pleurez, ma bonne dame, ça vous fera du bien. Ce sont de meilleures larmes que celles d’autrefois, qu’en dites-vous ? Pleurez, pour que toute votre misère passée s’en aille. Moi, je retourne au village. Vous avez bien quelque valise à l’auberge ? On m’y connaît. Je la rapporte, et nous partons. »


Quand la Bretonne revint, une demi-heure après, elle aperçut Véronique debout, qui lui faisait signe de se hâter, et elle l’entendait qui criait :

« Vite !… Mon Dieu, que vous êtes longue ! Il n’y a pas une minute à perdre. »

Honorine cependant ne se pressa pas davantage et ne répondit point. Aucun sourire n’éclairait son âpre visage.

« Eh bien, nous partons ? fit Véronique en l’abordant. Il n’y a pas de retard ? Pas d’obstacle ? Quoi ? on dirait que vous n’êtes plus la même…

— Mais si… mais si…

— Alors, hâtons-nous. »

Avec son aide, Honorine embarqua les valises et les sacs de provisions. Puis, se plantant tout à coup devant Véronique, elle lui dit :

« Ainsi vous êtes bien sûre que la femme en croix représentée par le dessin, c’était vous ?

— Absolument… D’ailleurs, mes initiales au-dessous de la tête…