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Noires n’aient été celles d’un couvent ou plutôt d’une sorte d’université druidique) ; certes, obéissant aux pratiques du temps, ils présidaient aux sacrifices humains, dirigeaient la cueillette du gui, de la verveine et de toutes les plantes magiques. Mais, avant tout, dans l’île de Sarek, ils étaient les gardiens et les maîtres de la Pierre qui donnait la vie et la mort. Placée au-dessus de la salle des sacrifices souterrains, elle était alors indubitablement visible à l’air libre, et j’ai tout lieu de croire qu’à ce moment le Dolmen-aux-Fées, que nous voyons ici, s’élevait à l’endroit que l’on nomme le Calvaire-Fleuri et abritait la Pierre-Dieu. C’est là que les malades, les infirmes et les enfants chétifs s’étendaient et recouvraient la santé. C’est sur la dalle sainte que les femmes stériles devenaient fécondes, sur la dalle sainte que les vieillards sentaient renaître leurs forces.

« Pour moi, elle domine tout le passé légendaire et fabuleux de la Bretagne. Elle est le centre d’où rayonnent toutes les superstitions, toutes les croyances, toutes les inquiétudes et tous les espoirs. Par elle, ou par la vertu du sceptre magique que brandissait l’archidruide et qui, selon sa volonté, brûlait les chairs ou guérissait les plaies, les belles histoires se lèvent spontanément, histoires des chevaliers de la Table-Ronde, ou histoires de Merlin l’Enchanteur. Elle est au fond de toutes les brumes, au cœur de tous les symboles. Elle est le mystère et la clarté, la grande énigme et la grande explication… »

Don Luis avait prononcé ces dernières paroles avec une certaine exaltation. Il sourit.

« Ne t’emballe pas, Vorski. Réservons notre enthousiasme pour le récit de tes crimes. Actuellement, nous en sommes à l’apogée de l’époque druidique, époque qui se continua bien au delà des Druides, pendant les longs siècles où, après leur disparition, la pierre miraculeuse fut exploitée par les sorciers et les devins. Et nous arrivons ainsi peu à peu à la troisième période, la période religieuse, c’est-à-dire, vraisemblablement, à la décadence progressive de tout ce qui faisait la richesse de Sarek, pèlerinages, fêtes commémoratives, etc.

« L’Église, en effet, ne pouvait s’accommoder de ce