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— Quand je suis revenue avec des gens du Faouët, le cadavre avait disparu.

— Disparu ? Mais qui l’avait enlevé ?

— Je l’ignore.

— De sorte que vous ne savez rien ?

— Rien. Cependant, la première fois, j’ai trouvé dans la cabane un dessin… un dessin que j’avais déchiré, mais dont le souvenir reste en moi comme un cauchemar qui se renouvelle constamment… Je ne puis le chasser… Écoutez… c’était un rouleau de papier sur lequel, évidemment, on avait reporté la copie d’une vieille image, et cela représentait, oh ! une chose terrifiante… terrifiante… quatre femmes en croix ! Et l’une de ces femmes c’était moi, avec mon nom… Et les autres avaient une coiffure pareille à la vôtre… »

Honorine lui avait serré les mains avec une violence inouïe :

« Que dites-vous ? s’écria la Bretonne. Que dites-vous ? Quatre femmes en croix ?

— Oui, et il était question de trente cercueils, de votre île par conséquent. »

La Bretonne lui mit les mains sur la bouche.

« Taisez-vous ! taisez-vous ! oh ! il ne faut pas parler de tout cela. Non, non, il ne faut pas… Voyez-vous il y a des choses de l’enfer… C’est un sacrilège d’en parler… Taisons-nous là-dessus… Plus tard on verra… une autre année peut-être… Plus tard… Plus tard… »

Elle semblait secouée par la terreur, comme par un vent d’orage qui fouette les arbres et bouleverse la nature entière. Et, subitement, elle tomba à genoux sur le roc, et pria longtemps, courbée en deux, la tête entre ses mains, dans un tel recueillement que Véronique ne lui posa aucune autre question.

Enfin elle se releva et, au bout d’un instant, elle répéta :

« Oui, tout cela est effrayant, mais je ne vois pas que notre devoir en soit changé, et qu’une seule hésitation soit possible. »

Et elle dit gravement à la jeune femme.

« Il faut venir avec moi là-bas.