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ça lui chante. Vorski, veux-tu voir ce qui n’existe pas ? Quel est ton nom ? Je ne parle pas de ton nom de Vorski mais de ton vrai nom, du nom de ton papa ?

— Silence là-dessus, commanda Vorski. C’est un secret que je n’ai révélé à personne.

— Alors, pourquoi l’écris-tu ?

— Je ne l’ai jamais écrit.

— Vorski, le nom de ton père est inscrit au crayon rouge, à la page quatorze du petit carnet que tu portes sur toi. Regarde. »

Machinalement, comme un automate dont les gestes sont réglés par une volonté étrangère, Vorski sortit de la poche intérieure de son gilet un portefeuille qui contenait un cahier de pages blanches cousues ensemble. Il les feuilleta jusqu’à la quatorzième, puis marmotta avec un effroi inexprimable :

« Est-ce possible ! qui a écrit cela ? Et vous connaissez ce qui est écrit ?…

— Veux-tu que je te le prouve ?

— Silence encore une fois ! Je vous défends…

— À ta guise, mon vieux. Moi, ce que j’en fais, c’est pour t’édifier. Et ça me coûte si peu ! Quand je commence à opérer des miracles, je ne peux plus m’arrêter. Encore un, histoire de rigoler. Tu portes à ton cou, sous ta chemise, au bout d’une chaînette d’argent, un médaillon ?

— Oui, fit Vorski dont les yeux brillaient de fièvre.

— Ce médaillon forme un cadre, vide de la photographie qu’il encerclait autrefois ?

— Oui, oui… un portrait représentant…

— Représentant ta mère, je le sais, et que tu as perdu.

— Que j’ai perdu l’an dernier.

— Dis plutôt que tu crois l’avoir perdu, ce portrait.

— Allons donc ! le médaillon est vide.

Tu crois qu’il est vide. Il ne l’est pas. Regarde.

Toujours d’un mouvement mécanique, les yeux écarquillés, Vorski défit le bouton de sa chemise et tira la chaînette. Le médaillon apparut. Il y avait dans un cercle d’or un portrait de femme.

« C’est elle… c’est elle… murmura-t-il, bouleversé.

— Pas d’erreur ?