« Alors, vous avez fait un bon voyage, m’ame Honorine ?
— Excellent.
— Et où que ça vous étiez ?
— À Paris, dame… huit jours d’absence… des courses pour mon maître…
— Contente de revenir ?
— Ma foi, oui.
— Et vous voyez, m’ame Honorine, que vous retrouvez votre bateau à la même place. Tous les jours, je venais lui faire une visite. Enfin, ce matin, je lui ai enlevé sa toile. Il file toujours bien ?
— À merveille.
— Et puis, vous êtes une fière pilote. Hein, m’ame Honorine, qui aurait dit que vous feriez ce métier-là ?
— C’est la guerre. Tous les jeunes sont partis dans notre île, les autres sont à la pêche. Et puis, plus de services de bateaux chaque quinzaine, comme autrefois. Alors je fais les commissions.
— Mais le pétrole ?…
— On en a en réserve. Rien à craindre de ce côté.
— Eh bien, pour lors, on se quitte, m’ame Honorine. Faut-il vous aider à charger ?
— Pas la peine, vous êtes pressé.
— Eh bien, pour lors, on se quitte, répéta le bonhomme. À la prochaine fois, m’ame Honorine. Je préparerai les paquets d’avance. »
Et il s’éloigna, en criant d’un peu plus loin :
— Tout de même, faites attention aux pointes de récifs qui l’entourent, votre sacré îlot. Vrai, c’est qu’il en a une mauvaise réputation ! C’est pas pour rien qu’on l’appelle l’Île aux Trente Cercueils. Bonne chance, m’ame Honorine. »
Il disparut au tournant d’une roche.
Véronique avait tressailli. Les trente cercueils ! Les mots mêmes qu’elle avait lus en marge de l’horrible dessin !
Elle se pencha. La femme, d’ailleurs, avançait de quelques pas vers le canot et, après avoir déposé d’autres provisions apportées par elle, se retournait.