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« Qu’est-ce que tu as ? demanda-t-il. Tu entends quelque chose ?

— Oui, fit l’autre.

— Moi également », affirma Otto.

De fait, on entendait un bruit rythmé, égal comme cadence, mais avec des hauts et des bas, et tout une sorte de musique irrégulière.

« Mais, c’est tout près d’ici ! marmonna Vorski… On dirait même que c’est dans la salle. »

C’était dans la salle, ils en acquirent bientôt la certitude, et c’était, ils ne pouvaient guère en douter, un bruit qui avait toute l’apparence d’un ronflement.

Conrad, qui avait risqué cette hypothèse, fut le premier à en rire. Mais Vorski lui dit :

« Ma foi, je me demande si tu n’as pas raison… c’est bien un ronflement… Il y a donc quelqu’un ici ?

— Ça vient de ce côté, fit Otto, de ce coin d’ombre. »

La clarté n’allait pas au delà des menhirs. Derrière s’ouvraient autant de petites chapelles obscures. Vorski projeta dans l’une d’elles la lueur de sa lanterne, et, aussitôt, laissa échapper un cri de stupeur.

« Quelqu’un… oui… il y a quelqu’un… regardez… »

Les deux complices s’avancèrent. Sur un tas de moellons, qui s’amoncelaient dans un angle de la paroi, un homme donnait, un vieillard à barbe blanche et à longs cheveux blancs. La peau de sa figure et la peau de ses mains étaient sillonnées de mille rides. Un cercle bleuâtre encadrait ses paupières closes. Un siècle au moins avait passé sur lui.

Une tunique de lin rapiécée et déchirée le revêtait jusqu’aux pieds. Autour du cou, et descendant assez bas sur la poitrine, il avait un chapelet de ces boules sacrées que les Gaulois appelaient des œufs de serpent, et qui sont des oursins. À portée de sa main, une belle hache de jadéite montrait des signes indéchiffrables. Par terre, alignés, des silex tranchants, des grands anneaux plats, deux pendeloques de jaspe vert, deux colliers en émail bleu cannelé.

Le vieillard ronflait toujours.

Vorski murmura :