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Il continua à l’injurier, puis, soudain, il éclata de rire, un rire méchant et forcé.

« Après tout, ma foi, c’est bien joué, Otto ! Mais où et comment as-tu pu savoir cela ? Tu me le raconteras, hein ? En attendant, plus une minute à perdre. Nous sommes d’accord sur tous les points, n’est-ce pas ? et vous marchez ?

— Sans rechigner, puisque vous prenez la chose si bien, dit Otto. »

Et le complice ajouta, d’un ton obséquieux :

« Vous avez tout de même de l’allure, Vorski ?… Un grand seigneur !

— Et toi, un valet que l’on paye. Tu es payé, dépêche-toi. L’affaire est urgente. »


L’affaire, comme disait l’affreux personnage, fut rapidement exécutée. Remonté sur son échelle, Vorski répéta ses ordres auxquels Conrad et Otto se conformèrent docilement.

Ils mirent la victime debout, puis, tout en la maintenant en équilibre, ils tirèrent sur la corde. Vorski reçut la malheureuse, et, comme les genoux s’étaient ployés, il les contraignit brutalement à s’allonger. Ainsi plaquée sur le fût de l’arbre, sa robe serrée autour de ses jambes, les bras pendant à droite et à gauche et à peine écartés du corps, elle fut attachée par la taille et par dessous les bras.

Elle ne semblait pas s’être éveillée de son étourdissement, et elle n’eut aucune plainte. Vorski voulut lui dire quelques mots, mais, ces mots, il les bredouilla, incapable d’articuler. Puis il chercha à lui redresser la tête, mais il y renonça, n’ayant plus le courage de toucher à celle qui allait mourir, et la tête retomba sur le buste, très bas.

Aussitôt, il descendit et balbutia :

« L’eau-de-vie, Otto… Tu as la gourde ? Ah ! crédieu, l’ignoble chose !

— Il est encore temps, objecta Conrad. »

Vorski avala quelques gorgées et s’écria :

« Encore temps… de quoi faire ? De la délivrer ?