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— Près de la passerelle que nous avons établie à la place du pont brûlé. Il surveille de là.

— Conrad est un malin. L’incendie du pont nous avait retenus de l’autre côté, l’incendie de la passerelle produira le même obstacle. Véronique, je crois bien qu’on vient à ton secours… le miracle attendu… l’intervention espérée… Trop tard, belle chérie. »

Il détacha les liens qui la fixaient au balcon, et la porta sur le canapé, et desserra un peu le bâillon.

« Dors, ma fille, repose-toi le plus que tu peux. Tu n’es encore qu’à moitié route du Golgotha, et la fin de la montée sera dure. »

Il s’éloigna en plaisantant, et Véronique entendit quelques phrases, échangées par les deux hommes, qui lui montrèrent qu’Otto et Conrad n’étaient que des comparses ignorants de l’affaire.

« Qui donc est-ce que cette malheureuse que vous persécutez ? demanda Otto.

— Ça ne te regarde pas.

— Cependant Conrad et moi nous voudrions bien être un peu renseignés.

— Pourquoi, mon Dieu ?

— Pour savoir.

— Conrad et toi, vous êtes deux idiots, répondit Vorski. Quand je vous ai pris à mon service et que je vous ai fait évader avec moi, je vous ai dit de mes projets tout ce que je pouvais vous en dire. Vous avez accepté mes conditions. Tant pis pour vous ; il faut aller jusqu’au bout avec moi…

— Sinon ?

— Sinon, gare aux conséquences. Je n’aime pas les lâcheurs… »

D’autres heures s’écoulèrent. Plus rien maintenant, semblait-il à Véronique, ne pouvait la soustraire au dénouement qu’elle appelait de tous ses vœux. Elle ne souhaitait pas que se produisît l’intervention dont avait parlé Otto. En réalité, elle, n’y songeait même point. Son fils était mort, et elle n’avait pas d’autre désir que de le rejoindre sans retard, fût-ce au prix du supplice le plus terrible. Que lui importait, d’ailleurs, ce supplice ?