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Cet espoir du miracle berçait sa torpeur. Tous les bruits dont la maison résonnait, bruits de discussions, bruits de pas précipités, lui semblaient indiquer, plutôt que les préparatifs des événements annoncés, le signal d’interventions qui ruineraient tous les plans de Vorski. Son bien-aimé François n’avait-il pas dit que rien ne pourrait plus les séparer l’un de l’autre, et qu’à l’instant où tout leur paraîtrait perdu ils devraient garder toute leur foi ?

« Mon François, répétait-elle, mon François, tu ne mourras pas… nous nous reverrons… tu me l’as promis. »

Dehors, un ciel bleu, tacheté de quelques nuées menaçantes, s’étendait au-dessus des grands chênes. Devant elle, par delà cette même fenêtre où son père lui était apparu, au milieu de la pelouse qu’elle avait traversée avec Honorine, le jour de son arrivée, un emplacement avait été récemment défriché et couvert de sable, comme une arène. Était-ce donc là que son fils se battrait ? Elle en eut l’intuition brusque, et son cœur se serra.

« Oh ! pardon, mon François, dit-elle, pardon… Tout cela, c’est le châtiment des fautes que j’ai commises… autrefois. C’est l’expiation… Le fils expie pour la mère… Pardon… Pardon… »

À ce moment une porte s’ouvrit au rez-de-chaussée et des voix montèrent du perron. Parmi ces voix, elle reconnut celle de Vorski.

« Alors, disait-il, c’est convenu ? Nous allons chacun de notre côté, vous deux à gauche, moi à droite. Vous prenez ce gosse avec vous, moi je prends l’autre, et on se rencontre au lieu du tournoi. Vous êtes, comme qui dirait, les témoins du premier, moi du second, de sorte que toutes les règles sont respectées. »

Véronique ferma les yeux, car elle ne voulait pas voir son fils, maltraité sans doute, mené au combat comme un esclave. Elle perçut le double craquement des pas qui suivaient les deux avenues circulaires. L’immonde Vorski riait et pérorait.

Les groupes tournèrent et s’avancèrent en sens opposé.

« N’approchez pas davantage, ordonna Vorski. Que