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— La mort, dit-elle une fois de plus.

Il s’exaspéra.

« La mort pour vous, soit. Mais si c’est la mort pour lui ? Si je l’amène ici, devant vous, votre François, si je lui pose le couteau sur la gorge, et que je vous interroge pour la dernière fois, que répondrez-vous ? »

Véronique ferma les yeux. Jamais encore elle n’avait souffert autant, et Vorski avait bien trouvé le point douloureux.

Cependant, elle murmura :

« Je veux mourir. »

La colère de Vorski éclata, et, passant du coup aux injures, sans souci de politesse et de courtoisie, il proféra :

« Ah ! la drôlesse, faut-il qu’elle me haïsse ! Tout, tout, elle accepte tout, même la mort de son fils bien-aimé plutôt que de céder : Une mère qui tue son fils ! Car c’est cela, vous le tuez votre fils, pour ne pas m’appartenir. Vous lui arrachez la vie pour ne pas me sacrifier la vôtre. Ah ! quelle haine ! Non, non, ce n’est pas possible, je n’y crois pas, cette haine. La haine a des limites. Une mère comme vous ! Non, non, il y a autre chose… un amour peut-être ? Non, Véronique n’aime pas. Alors ? alors, ma pitié ? une faiblesse de ma part ? Ah ! que vous me connaissez mal. Vorski faiblir ! Vorski s’apitoyer ! Pourtant, vous m’avez vu à l’œuvre. Est-ce que j’ai flanché en accomplissant ma mission terrible ? Sarek n’a-t-il pas été dévasté selon la prescription ? Les barques n’ont-elles pas coulé, et les gens n’ont-ils pas été engloutis ? Les sœurs Archignat n’ont-elles pas été clouées sur le tronc des vieux chênes ? Moi, moi, flancher ! Écoutez, quand j’étais enfant, de ces deux mains que voilà, j’étranglais les chiens et les oiseaux, et de ces deux mains que voilà, j’écorchais tout vifs les chevreaux, et je plumais toutes vivantes les bêtes de la basse-cour. Ah ! de la pitié ? Savez-vous comment m’appelait ma mère ? « Attila », et, lorsque le souffle mystérieux l’animait, et qu’elle lisait l’avenir au creux de ces mains ou dans les cartes du tarot : « Attila Vorski, fléau de Dieu, expliquait cette grande voyante, tu