Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Véronique ne pouvait détacher son regard terrifié. Il y avait la croix principale, le tronc d’arbre dont les branches inférieures étaient coupées et le long duquel, à droite et à gauche, descendaient les deux bras de la femme.

Les mains et les pieds n’étaient pas cloués, mais fixés par des cordes qui s’enroulaient jusqu’aux épaules et jusqu’en haut des deux jambes réunies. Au lieu du costume breton, la victime portait une sorte de suaire qui tombait presque à terre, allongeant la silhouette mince d’un corps amaigri par le supplice.

L’expression du visage était déchirante, expression de douleur résignée et de grâce mélancolique. Et c’était bien le visage de Véronique, surtout tel qu’il était à l’époque de ses vingt ans, et tel que Véronique se souvenait de l’avoir vu aux heures sombres où l’on contemple dans un miroir ses yeux sans espoir et ses larmes qui coulent.

Et c’était, autour de la tête, l’onde même de ses cheveux épais roulant jusqu’à la ceinture en courbes semblables.

Et, au-dessus, l’inscription : V. d’H.


Véronique demeura longtemps à réfléchir, interrogeant le passé, et cherchant à relier dans l’ombre les faits actuels aux souvenirs de sa jeunesse. Mais aucune lueur ne se levait en son esprit. Les mots qu’elle lisait, le dessin qu’elle voyait, rien de tout cela ne prenait le moindre sens pour elle et ne pouvait se prêter à la moindre explication.

Plusieurs fois encore elle examina la feuille de papier. Puis, lentement, sans cesser d’y songer, elle la déchira en menus morceaux que le vent emportait. Lorsque le dernier des morceaux se fut envolé, sa décision était prise. Elle repoussa le cadavre de l’homme, ferma la porte, et, rapidement, s’éloigna vers le village, afin de donner à cette aventure la conclusion judiciaire qui lui convenait pour l’instant.

Mais quand elle revint, une heure plus tard, avec le maire du Faouët, le garde champêtre et tout un groupe