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— Comment ? Cet ami inconnu n’a pas été averti.

— Il viendra quand même. Il n’a pas besoin d’être averti pour savoir que le danger est grand. Il viendra. Aussi, maman, promets-le-moi : quoi qu’il arrive, tu garderas confiance.

— Je garderai confiance, mon chéri, je te le promets.

— Et tu fais bien, dit-il en riant, puisque c’est moi qui deviens le chef. Et quel chef, hein, maman ? Dès hier soir, je prévoyais que, pour mener à bien l’entreprise, et pour que ma mère n’ait ni froid ni faim, au cas où l’on aurait pu s’embarquer cet après-midi, il nous faudrait des vivres et des couvertures ! Eh bien, cela va nous servir pour cette nuit, puisque par prudence nous ne devons pas abandonner notre poste ici et coucher au Prieuré. Où as-tu mis le paquet, maman ? »

Tous deux mangèrent gaîment et de bon appétit. Puis François installa sa mère, l’enveloppa de vêtements et ils s’endormirent, pressés l’un contre l’autre, heureux et sans crainte.

Quand l’air vif du matin réveilla Véronique, une bande de clarté un peu rose barrait le ciel.

François dormait, d’un sommeil paisible d’enfant qui se sent protégé et que n’assaille aucun rêve mauvais. Elle le contempla longuement, indéfiniment, sans se lasser, et le soleil était déjà bien au-dessus de l’horizon qu’elle le regardait encore.

« À l’œuvre, maman, dit-il, dès qu’il eut ouvert les yeux et qu’il l’eut embrassée. Personne du côté du souterrain ? Non. Alors nous avons tout le temps de nous embarquer. »

Ils emportèrent les couvertures et les provisions et se dirigèrent, d’un pas allègre, vers la descente de la Poterne, à la pointe même de l’île. Au delà de cette pointe, les roches s’amoncelaient en un chaos formidable, où la mer, cependant calme, clapotait avec fracas.

« Pourvu que ta barque y soit encore ! dit Véronique.

— Penche-toi un peu, maman. Tu la vois, là-bas, suspendue dans cette anfractuosité ? Il nous suffit de manœuvrer la poulie et de la mettre à flot. Ah ! tout est