Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui s’abattit sur les jambes, découvrant ainsi le dessous du banc.

Sous ce banc elle aperçut un rouleau de papier, composé d’une feuille de papier à dessin très mince, et qui était froissée, cassée, presque tordue.

Elle ramassa le rouleau et le déplia. Mais elle n’avait pas achevé ce mouvement que ses mains se mirent à trembler et qu’elle balbutia :

« Ah ! mon Dieu !… ah ! mon Dieu !… »

De toute son énergie, elle voulut s’imposer le calme nécessaire et regarder avec des yeux qui pussent voir et un cerveau qui pût comprendre.

Tout au plus lui fut-il possible de rester ainsi durant quelques secondes. Et, durant ces quelques secondes, à travers un brouillard de plus en plus dense qui lui semblait envelopper ses yeux, elle put discerner un dessin rouge qui représentait quatre femmes crucifiées sur quatre troncs d’arbres.

Et, en avant de ce dessin, la première femme, image centrale, corps raidi sous ses voiles, figure bouleversée par la plus épouvantable des souffrances, mais figure reconnaissable, cette femme crucifiée, c’était elle ! à n’en pas douter, c’était elle, elle-même, Véronique d’Hergemont !

D’ailleurs, au-dessus de la tête l’extrémité du poteau de torture portait, selon la coutume antique, un cartouche avec une inscription fortement appuyée.

Et c’étaient le paraphe et les trois lettres de Véronique jeune fille, V. d’H : Véronique d’Hergemont !

Une convulsion la souleva des pieds à la tête. Elle se dressa, pivota et, tournoyant en dehors de la cabane, tomba sur l’herbe, évanouie.


Véronique était une femme bien portante, grande, vigoureuse, d’un équilibre admirable, et dont les épreuves n’avaient jamais pu atteindre la belle santé morale et la splendide harmonie physique. Il fallait des circonstances exceptionnelles et imprévues comme celles-ci, jointes à la fatigue de deux nuits en chemin de fer, pour provoquer un tel désarroi de ses nerfs et de sa volonté.