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puis s’immobilisa, assujettie au moyen de ses deux crampons.

En haut, au creux de l’orifice, il y avait un visage d’enfant, et cet enfant souriait et gesticulait.

« Maman, maman… vite… »

L’appel était pressant et passionné. Les deux bras se tendaient vers le groupe. Véronique gémit :

« Ah ! c’est toi… c’est toi, mon chéri…

— Vite, maman, je tiens l’échelle… Vite… il n’y a aucun danger…

— Je viens, mon chéri… me voici… »

Elle avait saisi le montant le plus proche. Cette fois, aidée par Stéphane, elle n’eut pas de mal à s’établir sur le dernier échelon. Mais elle lui dit :

« Et vous, Stéphane ? Vous me suivez, n’est-ce pas ? — J’ai le temps, dit-il, hâtez-vous…

— Non, promettez-moi…

— Je vous le jure, hâtez-vous… »

Elle gravit quatre échelons et s’arrêta en disant :

« Vous venez, Stéphane ? »

Déjà il s’était retourné contre la falaise et avait engagé la main gauche dans une étroite fissure qui demeurait entre le pont-levis et le roc. Sa main droite atteignit l’échelle, et il put poser le pied sur le barreau inférieur. Il était sauvé, lui aussi.

Avec quelle allégresse Véronique franchit l’espace ! Que le vide s’ouvrît au-dessous d’elle, est-ce que cela pouvait lui importer, alors que son fils était là, qu’il l’attendait, et qu’elle allait enfin le serrer contre elle  !

« Me voici… me voici… disait-elle… me voici, mon chéri. »

Rapidement elle engagea sa tête et ses épaules dans la fenêtre. L’enfant l’attira. Elle enjamba le rebord. Enfin elle était auprès de son fils ! Ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre.

« Ah !… maman !… Est-ce possible ! maman !… »

Mais elle n’avait pas refermé ses bras sur lui qu’elle se rejeta un peu en arrière. Pourquoi ? Elle ne savait pas. Une gêne inexplicable arrêtait son effusion.