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absente… et que vous offrez maintenant à celle qui va mourir…

— Non, non, dit-il avidement, ne croyez pas cela… Le salut est proche peut-être… je le sens, mon amour ne fait pas partie du passé, mais de l’avenir. » Il voulut lui baiser les mains.

«  Embrassez-moi, dit-elle, en lui tendant son front. »

Chacun d’eux avait dû poser l’un de ses pieds au bord de l’abîme, sur la ligne étroite de granit qui suivait le quatrième côté du tremplin.

Ils s’embrassèrent gravement.

«  Tenez-moi bien, » dit Véronique.

Elle se renversa le plus possible, en levant la tête, et appela d’une voix étouffée :

«  François… François… »

Mais il n’y avait personne à l’orifice supérieur. L’échelle y pendait toujours par un de ses crampons, hors de portée.

Véronique se pencha au-dessus de la mer. À cet endroit le renflement de la falaise avait moins de saillie, et elle vit, entre les récifs couronnés d’écume, un petit lac aux eaux dormantes, toutes paisibles, et si profondes que l’on n’en discernait pas le fond. Elle pensa que la mort serait plus douce là que sur les récifs aux pointes aiguës, et elle dit à Stéphane, dans un besoin subit d’en finir et de se soustraire à l’agonie trop lente :

« Pourquoi attendre le dénouement ? mieux vaut mourir que cette torture…

— Non, non, s’écria-t-il révolté à l’idée que Véronique pût disparaître.

— Vous espérez donc ?

— Jusqu’à la dernière seconde, puisqu’il s’agit de vous.

— Je n’espère plus, » dit-elle.

Aucun espoir non plus ne le soutenait, mais il eût tant voulu endormir le mal de Véronique, et garder pour lui tout le poids de l’épreuve suprême !

La montée continuait. La trépidation avait cessé, et la pente du plancher s’accentuait, atteignant déjà le bas du guichet, à mi-hauteur de la porte. Mais il y eut