Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/134

Cette page a été validée par deux contributeurs.

«  Répondez… je veux savoir… »

Il ne répondit pas. Il n’y avait point de peur dans ses yeux mouillés de larmes, rien qu’un amour immense, un désespoir sans bornes. Il ne pensait qu’à elle.

D’ailleurs, était-ce nécessaire qu’il expliquât ce qui se passait, et la réalité ne s’offrait-elle pas elle-même à mesure que les secondes s’écoulaient ? Étrange réalité, sans rapport avec les faits habituels, en dehors de tout ce que l’imagination peut inventer dans le domaine du mal ; étrange réalité dont Véronique, qui commençait à en percevoir les symptômes, se refusait encore à tenir compte.

Comme une trappe, mais une trappe qui fonctionnerait à l’inverse, le carré d’énormes solives, placé au milieu de la grotte, se soulevait en pivotant autour de l’axe immobile qui constituait sa charnière le long de l’abîme. Le mouvement, presque insensible, était celui d’un énorme couvercle qui s’ouvre, et cela formait déjà comme un tremplin qui montait du bord jusqu’au fond de la grotte, tremplin de pente très faible encore et où l’on gardait facilement son équilibre…

Au premier instant, Véronique crut que le but de l’ennemi était de les écraser entre le plancher implacable et le granit de la voûte. Mais, presque aussitôt, elle comprit que l’abominable machine en se dressant comme un pont-levis qu’on referme, avait comme mission de les précipiter dans l’abîme. Et cette mission, elle l’accomplirait inexorablement. Le dénouement était fatal, inéluctable. Quoi qu’ils tentassent, quels que fussent leurs efforts pour se cramponner, il arriverait une minute où le tablier du pont-levis serait debout, tout droit, partie intégrante de la falaise abrupte.

«  C’est affreux… c’est affreux… » murmura-t-elle.

Leurs mains ne s’étaient pas désunies. Stéphane pleurait silencieusement.

Elle gémit :

« Rien à faire, n’est-ce pas ?

— Rien, dit-il.

— Cependant il y a de l’espace autour de ce plancher. La grotte est ronde. Nous pourrions…