Page:Leblanc - L’Île aux trente cercueils.djvu/132

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vont essayer de démolir cette porte, ce qui nous donnera tout le temps nécessaire.

— Le temps nécessaire à quoi ?

— À notre fuite.

— Comment ?

— François va nous appeler… François… »

Elle n’acheva pas. Ils entendaient maintenant le bruit des pas qui s’éloignaient rapidement dans les profondeurs du couloir. Aucun doute : l’ennemi, sans se soucier de Stéphane, dont l’évasion ne lui semblait pas possible, l’ennemi se rendait à l’étage supérieur des cellules. Ne pouvait-il pas supposer, d’ailleurs, qu’il y avait accord entre les deux amis, et que c’était l’enfant qui se trouvait dans la cellule de Stéphane et qui avait barricadé la porte ?

Véronique avait donc précipité les événements dans le sens qu’elle redoutait pour tant de motifs : là-haut, François serait surpris au moment même où il se disposait à fuir.

Elle fut atterrée.

« Pourquoi suis-je venue ici ? murmura-t-elle. Il eût été si simple de l’attendre ! À nous deux nous vous sauvions en toute certitude… »

Dans la confusion de son esprit une idée passa ; n’avait-elle pas voulu hâter la délivrance de Stéphane parce qu’elle connaissait l’amour de cet homme ? et n’était-ce pas une curiosité indigne qui l’avait jetée dans cette entreprise ? Idée affreuse, qu’elle écarta aussitôt en disant :

« Non, il fallait venir. C’est le destin qui nous persécute.

— Ne le croyez pas, dit Stéphane, tout s’arrangera pour le mieux.

— Trop tard ! dit-elle en hochant la tête.

— Pourquoi ? qui nous prouve que François n’ait pas quitté la cellule ? Vous le supposiez vous-même tout à l’heure… Elle ne répondit pas. Son visage se contractait, tout pâle. À force de souffrir elle avait acquis une sorte d’intuition du mal qui la menaçait. Or le mal était par-