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Stéphane prononça lentement :

« Il ne faut pas qu’on me voie debout… Je vais reprendre ma place… Vous attacherez mes liens à peu près… »

Ils demeurèrent hésitants, comme s’ils avaient l’espoir absurde que le danger s’éloignerait de lui-même. Et puis soudain, s’arrachant à cette sorte de stupeur qui la paralysait, Véronique se détermina.

« Vite… les voilà… étendez-vous… »

Il obéit. En quelques secondes, elle replaça les cordes sur lui et autour de lui ainsi qu’elle les avait trouvées, mais sans prendre la peine de les nouer.

« Tournez-vous du côté de la roche, dit-elle, cachez vos mains… elles vous dénonceraient.

— Et vous ?

— Ne craignez rien. »

Elle se baissa et s’allongea contre la porte, dont le judas, barré par des lames de fer, formait saillie dans l’intérieur, de telle façon qu’on ne pouvait la voir. Au même moment, dehors, l’ennemi s’arrêta. Malgré l’épaisseur de la porte Véronique entendit le froissement d’une robe.

Et au-dessus d’elle, on regarda.

Minute effrayante ! le moindre indice donnait l’éveil.

« Ah ! pensa Véronique, pourquoi reste-t-elle ? Y a-t-il quelque preuve de ma présence ?… mes vêtements ?… »

Elle songea que ce devait être plutôt Stéphane, dont l’attitude ne semblait pas naturelle, ou dont les liens n’avaient point leur aspect ordinaire.

Et tout à coup il y eut un mouvement dehors, et l’on siffla légèrement à deux reprises.

Alors, de la partie lointaine du couloir, il arriva un autre bruit de pas, qui s’agrandit dans le silence solennel et qui vint s’arrêter comme le premier derrière la porte. Des paroles furent échangées. On se concertait.

Par petits gestes Véronique avait atteint sa poche. Elle sortit son revolver et posa son doigt sur la gâchette. Si l’on entrait, elle se dressait et tirait coup sur coup, sans hésiter. La moindre hésitation, n’eût-ce pas été la perte de François ?