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« Allons, murmura-t-elle, assez de rêveries. Je ne suis pas venue ici pour pleurer. »

Le besoin de savoir qui l’avait sortie de sa retraite de Besançon la ranima, et elle se leva, résolue à l’action.

« Un peu avant le chemin vicinal qui conduit à Locriff… un demi-cirque entouré d’arbres… » disait la lettre du sieur Dutreillis. Elle avait donc dépassé l’endroit. Rapidement elle revint sur ses pas et aussitôt aperçut, à droite, le bouquet d’arbres qui lui avait masqué la cabane. S’étant approchée, elle la vit.

C’était une sorte de refuge pour berger ou pour cantonnier, qui s’effritait et se décomposait sous l’action des intempéries. Véronique s’approcha et constata que l’inscription, usée par la pluie et par le soleil, était beaucoup, moins nette que sur le film. Mais les trois lettres étaient visibles, ainsi que le paraphe, et elle distingua même, en dessous, une chose que M. Dutreillis n’avait point notée, le dessin d’une flèche, et un numéro, le numéro neuf.

L’émotion croissait en elle. Bien que l’on n’eût en aucune façon cherché à imiter la forme même de sa signature, c’était bien sa signature de jeune fille. Or, qui avait pu l’apposer ainsi sur une cabane abandonnée, en cette Bretagne où elle pénétrait pour la première fois ?

Véronique ne connaissait plus personne au monde. Par une suite de circonstances, tout son passé de jeune fille s’était, pour ainsi dire, effondré avec la mort de tous ceux qu’elle avait aimés et connus. Alors comment était-il possible que le souvenir de sa signature eût persisté en dehors d’elle et de ceux qui n’existaient plus ? Et puis surtout pourquoi cette inscription, là, à cet endroit ? Que signifiait-elle ?

Véronique fit le tour de la cabane. Aucune autre marque n’y était visible, pas plus que sur les arbres environnants. Elle se rappela que M. Dutreillis avait ouvert et n’avait rien vu à l’intérieur. Pourtant elle voulut s’assurer elle-même qu’il ne s’était pas trompé.

La porte était fermée par un simple loquet de bois qui tournait autour d’une vis. Elle le souleva, et, chose singulière, qu’elle n’aurait su expliquer, il lui fallut faire