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taires qui s’imposaient à elle étaient exactes, la vérité ne pouvait pas encore être dite à l’enfant.

Elle déclara donc :

« Honorine est revenue de voyage, puis partie.

— Partie à ma recherche ?

— C’est cela, c’est cela, dit-elle vivement. Elle a cru que vous aviez été enlevé de Sarek ainsi que votre professeur.

— Mais grand-père ?

— Parti également, et à sa suite tous les habitants de l’île.

— Ah ! toujours l’histoire des cercueils et des croix ?

— Justement. Ils ont supposé que votre disparition était le commencement des catastrophes, et la peur les a chassés.

— Mais vous, madame ?

— Moi, je connais Honorine depuis longtemps. Je suis venue de Paris avec elle pour me reposer à Sarek. Je n’ai aucune raison de m’en aller. Toutes ces superstitions ne m’effraient pas. »

L’enfant se tut. L’invraisemblance et l’insuffisance de ces réponses devaient lui apparaître, et sa défiance s’en augmentait. Il l’avoua franchement :

« Écoutez, madame, je dois vous dire quelque chose. Voici dix jours que je suis enfermé dans cette cellule. Les premiers jours, je n’ai vu ni entendu personne. Mais, depuis avant-hier, chaque matin, un petit guichet s’ouvre au milieu de ma porte, et une main de femme passe et renouvelle ma provision d’eau. Une main de femme… Alors… n’est-ce pas !

— Alors, vous vous demandez si cette femme, ce n’est pas moi ?

— Oui, je suis obligé de me demander cela.

— Vous reconnaîtriez la main de cette femme ?

— Oh ! certes, elle est sèche et maigre, le bras est jaune.

— Voici la mienne, dit Véronique. Elle pourra passer par le même chemin que Tout-Va-Bien. »

Elle releva sa manche et, de fait, son bras nu, en se courbant, passa aisément.