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L’ÉCLAT D’OBUS
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mur, tout proche et troué de brèches béantes, s’élevaient des colonnes de fumée.

En approchant, ils entendirent des gémissements, puis la plainte déchirante d’un râle. C’étaient des blessés allemands.

Et soudain la terre trembla, comme si un cataclysme intérieur en eût brisé l’écorce, et, de l’autre côté du mur, ce fut une explosion formidable, ou plutôt une suite d’explosions, comme des coups de tonnerre répétés. L’espace s’obscurcit sous une nuée de sable et de poussière, d’où jaillissaient toutes sortes de matériaux et de débris. L’ennemi avait fait sauter le château.

— Cela nous était destiné, sans doute, dit Bernard, nous devions sauter en même temps. L’affaire a été mal calculée.

Quand ils eurent franchi la grille, le spectacle de la cour bouleversée, des tourelles éventrées, du château anéanti, des communs en flammes, des agonisants qui se convulsaient, des cadavres amoncelés, les effraya, au point qu’ils eurent un mouvement de recul.

— En avant ! En avant ! cria le colonel qui accourait au galop. Il y a des troupes qui ont dû se défiler à travers le parc.

Paul connaissait le chemin, l’ayant parcouru quelques semaines plus tôt, en des circonstances si tragiques. Il s’élança à travers les pelouses, parmi les blocs de pierre et les arbres déracinés. Mais, comme il passait en vue d’un petit pavillon qui se dressait à l’entrée du bois, il s’arrêta, cloué net au sol. Et Bernard et tous les hommes demeuraient stupéfaits, béants d’horreur.

Contre le mur de ce pavillon, il y avait