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L’ÉCLAT D’OBUS
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quelques pans de mur. C’était le château.

Partout autour, des fermes, des meules, des granges flambaient…

En arrière, les troupes françaises s’éparpillaient de tous côtés. Une batterie était venue s’établir à l’abri d’un bois voisin et tirait sans interruption. Paul voyait là-bas l’éruption des obus au-dessus du château et parmi les ruines.

Incapable de supporter un pareil spectacle, il reprit sa course en tête de sa section. Le canon ennemi avait cessé de tonner, réduit au silence sans doute. Mais quand ils furent à trois kilomètres d’Ornequin, les balles sifflèrent autour d’eux, et Paul avisa au loin un détachement allemand qui se repliait sur Ornequin tout en faisant le coup de feu.

Et toujours les soixante-quinze et les Rimailho grondaient. C’était affreux.

Paul saisit Bernard par le bras et prononça d’une voix frémissante :

— S’il m’arrivait malheur, tu dirais à Élisabeth que je lui demande pardon, n’est-ce pas, que je lui demande pardon…

Il avait peur soudain que la destinée ne lui permît pas de revoir sa femme, et il se rendait compte qu’il avait agi envers elle avec une cruauté inexcusable, l’abandonnant comme une coupable pour une faute qu’elle n’avait pas commise, et la livrant à toutes les détresses et à toutes les tortures. Et il marchait rapidement, suivi de loin par ses hommes.

Mais, à l’endroit où le raccourci débouche sur la route, en vue du Liseron, il fut rejoint par un cycliste. Le colonel donnait l’ordre que la section attendît le gros du régiment pour une attaque d’ensemble.