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L’ÉCLAT D’OBUS
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Il multipliait les conseils et les encouragements.

— Toi, mon brave, tu es un gaillard, je te connais, tu ne flancheras pas… Toi non plus… seulement, tu penses trop à ta peau, et tu grognes, tandis qu’il faut rigoler… Hein, les enfants, on rigole, n’est-ce pas ? Il y a un coup de collier à donner, on le donnera en plein, sans regarder derrière soi, pas vrai ?

Au-dessus d’eux, les obus suivaient leur chemin dans l’espace, sifflant, gémissant, explosant, formant comme une voûte de mitraille et de fer.

— Courbez la tête ! Couchez-vous ! criait Paul.

Lui, il restait debout, indifférent aux projectiles ennemis. Mais avec quelle épouvante il entendait les nôtres, ceux qui venaient de l’arrière, de toutes les collines avoisinantes et qui s’en allaient en avant porter la destruction et la mort. Où tomberait-il, celui-là ? Et celui-ci, où jaillirait la pluie meurtrière de ses balles et de ses éclats ?

Plusieurs fois il murmura :

— Élisabeth ! Élisabeth !…

La vision de sa femme, blessée, agonisante, l’obsédait. Depuis plusieurs jours déjà, depuis le jour où il avait appris qu’Élisabeth s’était refusée à quitter le château d’Ornequin, il ne pouvait penser à elle sans une émotion que ne contrariaient plus jamais un soubresaut de révolte ou un mouvement de colère. Il ne mêlait plus les souvenirs abominables du passé et les réalités charmantes de son amour. Quand il songeait à la mère exécrée, l’image de la fille ne se présentait plus à son esprit. C’étaient deux êtres de race différente et qui n’avaient aucun rapport l’un avec l’autre. Vaillante, ris-