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L’ÉCLAT D’OBUS

Les officiers, qui se tenaient à l’écart, poussèrent des exclamations joyeuses et gesticulèrent en apercevant cette auto qu’ils avaient envoyée en reconnaissance, et dont ils attendaient évidemment le retour avant de prendre une décision sur la défense de la ville. Rejoints sans doute par des officiers de liaison, ils étaient nombreux. Un général les dominait tous de sa haute taille. Des automobiles stationnaient à quelque distance.

La rue était pavée, mais aucun trottoir ne la séparait du terrain même de la place. Paul la suivit, puis, à vingt mètres des officiers, il donna un coup de volant brutal, et l’effroyable machine fonça droit dans le groupe, renversa, écrasa, obliqua légèrement pour prendre d’enfilade tous les faisceaux de fusils et pénétra comme une masse irrésistible au milieu du détachement. Ce fut la mort, et la bousculade, et la fuite éperdue, et, les vociférations de la douleur et de l’épouvante.

— Feu à volonté ! cria Paul qui arrêta la voiture.

Et, de ce blockhaus imprenable, surgi soudain au centre de la place, la fusillade commença, tandis que se précipitait le crépitement sinistre des deux mitrailleuses.

En l’espace de cinq minutes, la place fut jonchée de morts et de blessés. Le général et plusieurs officiers gisaient inertes. Les survivants se sauvèrent.

— Cessez le feu ! ordonna Paul.

Il amena l’auto jusqu’au bout de l’avenue qui descendait à la gare. Attirées par les détonations, les troupes de la gare accouraient. Quelques décharges de mitrailleuses les dispersèrent.