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L’ÉCLAT D’OBUS

— Il ne faut pas se montrer… Des uhlans !…

Une patrouille débouchait d’un chemin de traverse, au détour d’un bois. Il leur cria, en passant près d’eux :

— Fichez le camp, camarades ! Au galop ! voilà les Français !…

Paul profita de l’incident pour ne pas répondre à son beau-frère. Il avait forcé la vitesse, et l’auto filait avec un fracas de tonnerre, escaladant les pentes et dévalant comme une trombe.

Les détachements ennemis se faisaient plus nombreux. L’Alsacien les interpellait, ou, par signes, les incitait à une retraite immédiate.

— Ce que c’est rigolo de les voir ! dit-il en riant. C’est une galopade effrénée derrière nous.

Et il ajouta :

— Je vous avertis, sergent, qu’à ce train-là nous allons tomber en plein Corvigny. Est-ce ça que vous voulez ?

— Non, répliqua Paul, on s’arrêtera en vue de la ville.

— Et si l’on est cerné ?

— Par qui ? En tout cas, ce n’est pas ces bandes de fuyards qui pourraient s’opposer à notre retour.

Bernard d’Andeville prononça :

— Paul, je te soupçonne de ne pas penser du tout au retour.

— Du tout, en effet. As-tu peur ?

— Oh ! quel vilain mot !

Mais, après un silence. Paul reprit d’une voix où il y avait moins de rudesse :

— Je regrette que tu sois venu, Bernard.

— Le danger est-il donc plus grand pour moi que pour toi et pour les autres ?

— Non.