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L’ÉCLAT D’OBUS

D’ordinaire, absorbé par l’ardeur de la lutte et par tant de soucis divers, il prêtait peu d’attention aux noms des localités traversées, et le hasard seul les lui apprenait. Et voilà que tout à coup il se trouvait à si peu de distance du château d’Ornequin ! Corvigny, 14 kilomètres… Était-ce vers Corvigny que se dirigeaient les troupes françaises, vers la petite place forte que les Allemands avaient enlevée d’assaut et occupée dans de si étranges conditions ?

Ce jour-là on se battait depuis l’aube contre un ennemi qui semblait résister plus mollement. Paul, à la tête d’une escouade, avait été envoyé par son capitaine jusqu’au village de Bléville avec ordre d’y entrer si l’ennemi s’en était retiré, mais de ne pas pousser plus avant. Et c’est après les dernières maisons de ce village qu’il aperçut le poteau indicateur.

Il était alors assez inquiet. Un taube venait de survoler le pays. Une embûche était possible.

— Retournons au village, dit-il. On va s’y barricader en attendant.

Mais un bruit soudain crépita derrière une colline boisée qui coupait la route du côté de Corvigny, un bruit de plus en plus net, et dans lequel Paul, au bout d’un instant, reconnut le ronflement énorme d’une auto, sans doute d’une auto-mitrailleuse.

— Fourrez-vous dans le fossé, cria-t-il à ses hommes. Cachez-vous dans les meules. La baïonnette au canon. Et que personne ne bouge !

Il avait compris le danger, cette auto traversant le village, fonçant au milieu de la compagnie, semant la panique et se défilant ensuite par quelque autre chemin.

Rapidement, il escalada le tronc crevassé