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L’ÉCLAT D’OBUS

Et Corvigny est tombé au pouvoir des Allemands le 20 août, le surlendemain. Donc Élisabeth était encore là.

— Mais non, mais non, s’écria Bernard, Élisabeth n’est pas une enfant. Tu comprends bien qu’elle n’aura pas attendu les Boches, à dix pas de la frontière ! Au premier coup de feu de ce côté-là, elle a dû quitter le château. Et c’est cela qu’elle t’annonce. Lis donc sa lettre, Paul.

Paul ne doutait pas au contraire de ce qu’il allait apprendre en lisant cette lettre, et c’est avec un frisson qu’il en déchira l’enveloppe.

Élisabeth avait écrit :


« Paul,

« Je ne puis me décider à partir d’Ornequin. Un devoir m’y retient, auquel je ne faillirai pas, celui de délivrer le souvenir de ma mère. Comprenez-moi bien, Paul : ma mère demeure pour moi l’être le plus pur. Celle qui m’a bercée dans ses bras, celle à qui mon père garde tout son amour, ne peut même pas être soupçonnée. Mais vous l’accusez, vous, et c’est contre vous que je veux la défendre.

« Les preuves, dont je n’ai pas besoin pour croire, je les trouverai pour vous forcer à croire. Et, ces preuves, il me semble que je ne les trouverai qu’ici. Je resterai donc.

« Jérôme et Rosalie restent également, bien que l’on annonce l’approche de l’ennemi. Ce sont de braves cœurs, et vous n’avez donc rien à craindre, puisque je ne serai pas seule.

« Élisabeth Delroze. »


Paul replia la lettre. Il était très pâle.