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L’ÉCLAT D’OBUS
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la figure de Bernard exprimait une telle franchise et tant d’allégresse ingénue, qu’il articula :

— Si, si… Seulement tu es si jeune !

— Moi ? Je suis très vieux. Dix-sept ans le jour de mon engagement.

— Mais ton père ?

— Papa m’a donné son autorisation. Sans quoi, d’ailleurs, je ne lui aurais pas donné la mienne.

— Comment ?

— Mais oui, il s’est engagé.

— À son âge ?

— Comment, mais il est très jeune. Cinquante ans le jour de son engagement ! On l’a versé comme interprète dans l’état-major anglais. Toute la famille sous les armes, tu vois… Ah ! j’oubliais, j’ai une lettre d’Élisabeth pour toi.

Paul tressaillit. Il n’avait pas voulu jusqu’ici interroger son beau-frère sur la jeune femme. Il murmura, en prenant la lettre :

— Ah ! elle t’a remis cela…

— Mais non, elle nous l’a envoyée d’Ornequin.

— D’Ornequin ? Mais c’est impossible ! Élisabeth est partie le soir même de la mobilisation. Elle allait à Chaumont, chez sa tante.

— Pas du tout. J’ai été dire adieu à notre tante : elle n’avait aucune nouvelle d’Élisabeth depuis le début de la guerre. D’ailleurs, regarde l’enveloppe. « Paul Delroze, aux soins de M. d’Andeville, à Paris »… Et c’est timbré d’Ornequin et de Corvigny.

Après avoir regardé, Paul balbutia :

— Oui, tu as raison, et la date est visible sur le cachet de la poste : « 18 août ». Le 18 août…