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L’ÉCLAT D’OBUS

jeunes soldats, une voix joyeuse qui l’interpellait.

— Paul ! Paul ! Enfin, je suis arrivé à ce que je voulais ! Quel bonheur !

Ces jeunes soldats, c’étaient des engagés volontaires, versés dans le régiment, et parmi eux, Paul reconnut aussitôt le frère d’Élisabeth, Bernard d’Andeville.

Il n’eut pas le temps de réfléchir à l’attitude qu’il lui fallait prendre. Son premier mouvement eût été de se détourner, mais Bernard lui avait saisi les deux mains et les serrait avec une gentillesse et une affection qui montraient que le jeune homme ne savait rien encore de la rupture survenue entre Paul et sa femme.

— Mais oui, Paul, c’est moi, déclara-t-il gaiement. Je peux te tutoyer, n’est-ce pas ? Oui, c’est moi, et ça t’épate, hein ? Tu imagines une rencontre providentielle, un hasard comme on n’en voit pas ? Les deux beaux-frères réunis dans le même régiment !… Eh bien, non, c’est à ma demande expresse. « Je m’engage, ai-je dit, ou à peu près, aux autorités, je m’engage comme c’est mon devoir et mon plaisir. Mais, à titre d’athlète plus que complet et de lauréat de toutes les sociétés de gymnastique et de préparation militaire, je désire qu’on m’envoie illico sur le front et dans le régiment de mon beau-frère, le caporal Paul Delroze. » Et comme on ne pouvait pas se passer de mes services, on m’a expédié ici… Et alors, quoi ? Tu ne sembles pas transporté ?

Paul écoutait à peine. Il se disait : « Voilà le fils d’Hermine d’Andeville. Celui qui me touche est le fils de la femme qui a tué… Mais