Page:Leblanc - L’Éclat d’obus, 1916.djvu/67

Cette page a été validée par deux contributeurs.
L’ÉCLAT D’OBUS
59

que l’imagination même ne concevait pas. Et il fallait reculer. Il fallait reculer avec la haine au cœur et un désir forcené de vengeance qui crispait les mains autour des fusils.

Et pourquoi reculer ? Ce n’était pas la défaite, puisque l’on se repliait en bon ordre, avec des arrêts brusques et des retours violents contre l’ennemi déconcerté. Mais le nombre brisait toute résistance. Le flot des barbares se reformait. Deux mille vivants remplaçaient mille morts. Et on reculait.

Un soir Paul connut, par un journal qui datait d’une semaine, une des causes de cette retraite, et la nouvelle lui fut pénible. Le 20 août, après quelques heures d’un bombardement effectué dans les conditions les plus inexplicables, Corvigny avait été pris d’assaut, alors qu’on attendait de cette place forte une défense d’au moins quelques jours, qui eût donné plus d’énergie à nos opérations sur le flanc gauche des Allemands.

Ainsi Corvigny avait succombé, et le château d’Ornequin, abandonné sans doute, comme Paul lui-même le désirait, par Jérôme et par Rosalie, était maintenant détruit, pillé, saccagé, avec ce raffinement et cette méthode que les barbares apportaient dans leur œuvre de dévastation. Et, de ce côté encore, les hordes furieuses se précipitaient.

Journées sinistres de la fin d’août, les plus tragiques peut-être que la France ait jamais vécues. Paris menacé. Douze départements envahis. Le vent de la mort soufflait sur l’héroïque nation.

C’est au matin d’une de ces journées que Paul entendit derrière lui, dans un groupe de