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L’ÉCLAT D’OBUS
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idées-là on ne les a pas en de pareils moments, Le premier obus qui frappa l’église me sembla le bienvenu. Et puis, l’ennemi ne me laissait guère le temps de réfléchir ! Aussitôt, une demi-douzaine de gaillards avaient escaladé la tour. J’en démolis quelques-uns avec mon revolver, mais il y eut par la suite un autre assaut, et plus tard un autre encore. J’avais dû me réfugier derrière la porte qui ferme la cage de la flèche. Quand ils l’eurent jetée bas, elle me servit de barricade, et, comme je disposais des armes et des munitions prises à mes premiers assaillants, que j’étais inaccessible et à peu près invisible, il me fut facile de soutenir un siège en règle.

— Tandis que nos 75 vous canonnaient.

— Tandis que nos 75 me délivraient, mon colonel, car vous pensez bien que, l’église une fois démolie et la charpente en feu, on n’osa plus s’aventurer dans la tour. Je n’eus donc qu’à prendre patience jusqu’à votre arrivée.

Paul Delroze avait fait son récit de la façon la plus simple et comme s’il se fût agi de choses toutes naturelles. Le colonel, après l’avoir félicité de nouveau, lui confirma sa nomination au grade de sergent, et lui dit :

— Vous n’avez rien à me demander ?

— Si, mon colonel, je voudrais interroger l’espion allemand que j’ai laissé là-bas, et, par la même occasion, reprendre mon uniforme que j’ai caché.

— Entendu, vous allez dîner avec nous, et ensuite on vous donnera une bicyclette.

À sept heures du soir, Paul retournait à la première église. Une vive déception l’y attendait. L’espion avait brisé ses liens et s’était enfui.