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L’ÉCLAT D’OBUS
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avoir obtenu votre permission, je n’ai pas hésité à me glisser jusqu’à l’église et à m’introduire dans le clocher aussi furtivement que possible. Je ne m’étais pas trompé. Un homme était là, dont j’ai réussi, non sans mal, à me rendre maître.

— Le misérable ! Un Français ?

— Non, mon colonel, un Allemand déguisé en paysan.

— Il sera fusillé.

— Non, mon colonel, je lui ai promis la vie sauve.

— Impossible.

— Mon colonel, il fallait bien savoir comment il renseignait l’ennemi.

— Et alors ?

— Oh ! ce n’était pas compliqué. Face au nord, l’église possède une horloge, dont nous ne pouvions, nous, apercevoir le cadran. De l’intérieur notre homme manœuvrait les aiguilles, de manière que la plus grande, alternativement posée sur trois ou quatre chiffres, énonçât la distance exacte où nous nous trouvions de l’église, et cela dans la direction du coq. C’est ce que je fis moi-même, et aussitôt l’ennemi, rectifiant son tir suivant mes indications, arrosait consciencieusement le champ de betteraves.

— En effet, dit le colonel en riant.

— Il ne me restait plus qu’à me porter au second poste d’observation d’où l’on recueillait le message de l’espion. De là je saurais — car l’espion ignorait ce détail essentiel — où se cachaient les batteries ennemies. Je courus donc jusqu’ici, et ce n’est qu’en arrivant que je constatai, au pied même de l’église qui ser-